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Le mémoire [inédit] de Léopold Bexon – 1778

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Le Mémoire de Léopold Bexon est décrit par l’archiviste Henri Lepage, comme la plus ancienne monographie consacrée à la ville de Gérardmer. Ce document daté de 1778 est également cité à plusieurs reprises par Louis Géhin dans son ouvrage Gérardmer à travers les âges. Il figure en effet dans les sources utilisées par l’instituteur et érudit local. La référence pointe vers les Archives municipales de Gérardmer, sous la cote JJ 1. Aujourd’hui conservées à la médiathèque du Tilleul, ces archives anciennes ne semblent plus renfermer ce manuscrit ; la cote n’existe plus dans le sommaire instrument de recherche.

Portrait d’Henri Lepage, reproduit dans Christian Pfister, Histoire de Nancy, t. 2, Berger-Levrault, Paris et Nancy, 1909, p. 68. Source : wikipédia commons.

J’avais fait une croix sur ce document dont Louis Géhin nous cite de longs passages dans son ouvrage.

Gérardmer à travers les âges est consultable librement sur wikisource.

Et puis un jour, par hasard, je tombe sur une petite chemise intitulée Mémoire sur la commune de Gérardmer sous lequel figure la mention : très intéressant. Les curieux pourront retrouver ce document sous la cote 1 C 64 aux Archives départementales des Vosges.

La signature à la fin du document me confirme rapidement qu’il s’agit bel et bien du fameux Mémoire de Léopold Bexon.

Toutefois, il ne s’agit pas exactement de l’original. L’original aurait bel et bien disparu. Il s’agit ici d’une copie communiquée par un certain M. Antoine. L’archiviste Henri Lepage, dans sa notice historique, confirme en effet qu’il y a bien eu plusieurs copies de ce mémoire1.

Léopold Bexon signe cette notice historique en sa qualité de seigneur haut justicier de Wolmünster et seigneur du fief de Sarrable conseiller du Roy, lieutenant général civil et criminel d’honneur du grand bailliage royal de Sarreguemines. Une qualité certes éloignée de la vallée des lacs, mais Léopold Bexon est bien gérômois de naissance. On trouve trace de son acte de baptême dans les archives paroissiales de Gérardmer le 11 mai 1707.

Archives départementales des Vosges, Edpt 199/GG14.

Son père est indiqué comme officier du duc (S.A.R. : Son Altesse Royale). Nous retrouvons en effet quelques éléments sur ce Claude Bexon dans l’article de Pierre Boyé, « Étude historique sur les Hautes-Chaumes des Vosges ». Il est marchand et fermier du domaine d’Arches, c’est-à-dire qu’il est chargé de recueillir les loyers des domaines du duc de Lorraine dont les pâturages des hautes chaumes font partie.

Pour compléter le tableau généalogique, nous aurions pu nous appuyer sur les travaux de Bernard Putton et de l’abbé Édouard Buisson qui ont travaillé sur un remarquable membre de cette famille : Scipion Bexon, criminaliste et éminent juriste français. Mais le tableau généalogique donné en appendice comporte une erreur qui fait passer Léopold Bexon, l’auteur du mémoire, pour l’oncle de Scipion Bexon et de l’abbé Bexon. Ces deux illustres sont en réalité les petits-neveux de Léopold et les petits-fils de son frère : Antoine Bexon, avocat au parlement de Lorraine, également natif de Gérardmer.

Léopold Bexon est donc le fils d’un officier de la ferme générale du duc Léopold Ier ce qui le place sans doute dans une position sociale dominante. En 1737, Léopold quitte les Hautes-Vosges pour se marier à Sarrable avec la fille du seigneur local. Il y fera une carrière d’officier du duché de Lorraine. En 1751, il est provisionné à l’office de lieutenant général du bailliage royal de Sarreguemines 2.


Le mémoire

Le mémoire de Léopold Bexon est réalisé en 1778, douze ans après le rattachement du duché de Lorraine au royaume de France (1766). On ne connait pas la raison pour laquelle ce document a été produit.

Il commence par évoquer les origines du peuplement de Gérardmer : les traces que Charlemagne aurait laissées dans la vallée, puis l’érection de la tour de Gérard d’Alsace et l’installation de l’ermite Bilon à Longemer.

Léopold Bexon entame ensuite une description géographique du ban de Gérardmer. Il détaille l’ensemble des routes, chemins et rivières qui traversent ce territoire. Il note, par exemple, pour ces routes et chemins, le nombre de ponts qui y ont été édifiés. Bexon souligne aussi l’attraction touristique que suscite déjà Gérardmer au milieu du XVIIIe siècle :

Les habitants sont honnêtes envers les étrangers ; il est peu de jours de l’été qu’il n’en vienne visiter cette contrée singulière, et tous ces étrangers admirent la bonté de la truite, du brochet et de la perche de ses lacs et des ruisseaux qui en coulent, ainsi que de la cuisson ; ils admirent aussi l’arrangement des maisons, la propreté de la tenue du lait, de la façon et de la conduite des fromages.

Léopold Bexon décrit le ban de Gérardmer sous de nombreux aspects : il commence par des considérations géographiques, puis aborde la population, la religion, l’instruction, l’hygiène et la santé, les finances locales, l’élevage, les cultures, les productions (notamment l’importance de la boissellerie que Bexon désigne comme la futaille de bois et la fabrication des fromages).

Nous sommes donc heureux de vous faire découvrir le mémoire de Léopold Bexon en intégralité, transcrit par nos soins. Nous avons recopié le document tel quel. Certains mots ont résisté à notre sagacité, ainsi si vous avez une idée, n’hésitez à nous le signaler en commentaire.

Transcription

page 1

Gérardmer (communiqué par M. Antoine) vieux papier
Contrée admirable par la singularité de sa situation, les trois lacs qu’il renferme dans son ban, le nombre des habitants,
la régularité de leurs moeurs (!) leur industrie et leur commerce.
L’on tient par tradition que Charlemagne dans ses voyages d’Alsace, en Lorraine, traversa les montagnes et
chaumes qui séparent ces deux provinces par le Montebey, qu’il raffraichît au haut des Bohleys, à l’extrémité
du ban de Gérardmer, à une fontaine aux limites des deux provinces, qu’il dina sur une grande pierre
platte à gauche de la rivière de Vologne, près du Saut des Cuves une demi-lieue de l’emplacement de
Gérardmer. Cette fontaine et cette pierre ont conservé par tradition les noms de fontaine et de pierre
Charlemagne.
En 1070, Gérard comte d’Alsace, premier duc héréditaire de la Lorraine fit bâtir une tour sur
la petite rivière de Vologne qui prend sa source dans les lacs de Gérardmer et de Longemer et se jette
dans la Mozelle au dessus d’Arches, pour arrêter les brigands qui ravageaient ses états et de cet époque
cette contrée prit le nom de Gérardmer.
Vers ce temps, Bilon, gentilhomme du duc Gérard, ayant reconnu en voyageant avec ce duc dans
ces lieux inhabités, un emplacement qui lui plut sur le bord du lac de Longemer, à une lieue au dessus
et au levant de celui de Gérardmer, il y fit bâtir une cellule et une petite chapelle dédiée à Saint-Barthelemy
et s’y retira.
Sous la protection de ses nouveaux ducs, la Lorraine s’augmente par l’accroissement des peuples jusqu’alors errants
par la désolation des guerres continuelles ; enfin fixés et paisibles, se partagèrent des contrées ; des plus hardis se présentèrent pour
habiter les horreurs que renferme le continent de Gérardmer ; et si ces colons ne parvinrent pas à dompter la nature, ces
climats arides, durs et sauvages ; ils furent eux-mêmes domptés par la perte de la principale partie et de ceux qui
restèrent sont sortis une postérité qui s’est successivement étendue par l’habitat à la pureté de l’air et en forçant
cette terre aride à leur procurer leur nécessaire.
Sous le nom de Gérardmer est composé le ban et finage placé à l’extrémité de la Lorraine attenant
à l’Alsace et dont il est séparé par des montagnes fort élevée et d’effrayants rochers.
Toisé à la toise de 6 pieds du Roy, du ban de Gérardmer et ses dimenssions dans
toutes ses parties et ses chemins nécessaires à faire indespensables à ? sur le ban ? par
le sr Nicolas Valentin, officier de justice du dit lieu.
De l’église de Gérardmer à l’extrémité du ban attenant au couchant, à celui du Tholy, il y a 4195 toises
et 5 ponts de chacun 12 pieds d’ouverture.
De l’église de Gérardmer à Retournemer, à la maison de Simon Balthazar Viry, au pied des
hautes montagnes qui séparent le ban de Gérardmer et la Lorraine de l’Alsace, 4924 toises.
De Retournemer en montant le Montabey jusqu’au haut des chaumes à l’extrémité du ban de

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Gérardmer, qui fait celle de la province au levant.
Total
de l’église de Gérardmer jusqu’au haut des chaumes à l’extrémité du ban de la province
Total
de la dimension du ban Gérardmer à son extrémité au levant, jusqu’à son autre extrémité attenant au ban du Tholy
au couchant
Cette distance de ……. toises de Retournemer à l’extrémité du ban et de la province au haut des chaumes
est impraticable avec des voitures, et même à peine praticable avec des chevaux ainsi que pour la descendre du
costé de l’Alsace jusqu’à Münster ; des particuliers de Gérardmer assurent que l’on peut y pratiquer un chemin
avec des voitures pour monter de ce côté cy ??? que pour descendre à l’Alsace ; qu’il ne faut y employer que
des bras, sans avoir besoin de voiture ; cet objet mérite l’attention des connaisseurs.
Route de Bruyères à Nancy
De l’église de Gérardmer au bout du ban au nord, attenant à celui de Granges, il y a 3543 toises
et cinq ponts de chacuns 6 à 12 pieds d’ouverture, sujets à grands entretiens à cause
des neiges et des glaces.
Route de la Bresse
de l’église de Gérardmer à l’extrémité du ban attenant à celui de la Bresse il y a 3409 toises
et cinq ponts de chacun 12 pieds d’ouverture.
6952
Nota. De Creusegoutte jusqu’au ban de la Bresse, cette partie est un sentier très mauvais
il serait nécessaire de le faire praticable avec des voitures pour l’utilité du commerce de Gérardmer et du
plat pays et encore plus pour les habitants de la Bresse, Cornimont et autres villages plus au midy qui
tirent leurs grains et autres matières de première nécessité des marchés de Gérardmer où ils commerçent et
échange leurs beurre, fromages et toutes les denrées de leur production.
Le ban de Gérardmer a de dimension du nord au midy et du ban de Granges à celui de la Bresse 7452 t
Route de St-Dié
de l’église de Gérardmer à l’extrémité de son ban attenant à celui de Gerbépal, il y a
2139 toises et un pont qui une voûte en pierre de taille de cinq toises, un pied d’embouchure
sur trois toises de hauteur et un autre point de 17 pieds de large cy. 2139
Route d’Alsace
de l’église de Gérardmer au bout du ban attenant à celui du Valtin, il y a trois mille
quatre cent cinquante huit toises et quatre ponts de 5 à 6 toises de largeur cy … 3458
Le ban de Gérardmer

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Le ban de Gérardmer a depuis son extrêmité attenant à celui du Valtin au couchant,
jusqu’à son autre extrêmité attenant à celui de Vagney au couchant cy 5963
Route de Remiremont
De l’église de Gérardmer à l’extrêmité de son ban attenant à celui de Vagney, il
y a 2505 toises et deux ponts de 12 pieds chacun d’ouverture, cy 2505
Route de Champdray
de l’église de Gérardmer à l’extrêmité de son ban au nord, attenant à celui de 2395 2395
Champdray
Total 30 864
AU milieu de ce ban est une plaine dans laquelle se trouve le lac de Gérardmer de …. toises
de longueur, large de ….. et 90 pieds de profondeur. une prairie traversée par la ruisseau
de la Jamagne sortant dudit lac, à l’extrêmité de cette plaine au levant, c’est à dire depuis la
pierre Charlemagne, une vallée de 3855 toises de longueur jsuqu’au pied des hautes chaumes qui
sembles s’être formée en séparant les hautes chaumes que la bordent que pour formé la
rivière qui découle les eaux refluentes du petit lac de Retournemer qui est au fond de cette vallée
et appartenant à des particuliers et de ce celles du lac de Longemer beaucoup plus grand, appartenant
à Madame l’abesse de Remiremont
Et dans laquelle plaine est le grand village de Gérardmer au milieu duquel est une
belle église paroissiale qui a de longueur 143 pieds et 60 de large, une belle tour ou clocher avec
avec cinq belles cloches dont une pesant 3000 livres ; cette église bâtie en 1731 a couté 112000
livres. Elle est richement ornée en galons et drap d’or, calice de vermeil, encensoirs, navettes, barette
?? d’argent, et le tout haut la batisse de l’église que les ornements sortent de la générosité
et piété des paroissiens, sans secours de personne.
Cette paroisse est desservie par un pretre en chef et quoiqu’il n’ait que le titre de vicaire
dépendant de la cure de Corcieux, son bénéfice lui produit annuellement 4500 lt. Il y a deux
vicaires qu’il nourrit, jusqu’à l’un 150 lt et l’autre est à la charge de la fabrique.
Il n’y a dans cette paroisse aucun prix, denier, ni portion congrue, tous les revenus
des desservants sortent de la piété et générosité des paroissiens, sans titre d’oblation
d’offrandes et de casaul.
La communauté et paroisse de Gérardmer est composée de 850 habitants ou feux qui
produisent 2500 communiants. Il y a annuellement 130 baptêmes et des mariages 35…..
et 90 morts.
Il est peu de paroissiens qui n’assistent les fêtes et dimanches à la messe et aux infractions,
quoiqu’éloignés du

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quoiqu’éloignés de deux grandes lieues, ils partent l’hyver de chez eux, traversant les grandes neiges avant le
jour par le mauvais tems, éclairés par des branches oleagineuses de sapin et qui leur servent encore lorsqu’ils
sont ereintés à leur retour.
Les trois prêtres de la couronne sont tous les jours de l’année sans en manquer un à chanter des
messes à chacune desquelles il y a de grandes offrandes, c’est une partie de leurs revenus.
Tous les habitants de Gérardmer jusq’aux enfans savent lire et écrire, tous son instruits de leur
religion qu’ils exercent avec conviction et édification.
Il y a dans le village un très bon maître d’école qui est en même temp chantre à l’église ; les enfans
du village fréquentent l’école hyver et été et il y a plusieurs maîtres d’école placés dans les parties éloignée
du village pour enseigner l’hyver les enfans
Les pères de famille veillent à l’instruction de leurs enfans et chez le plus grand nombre il se fait
tous les jours la prière publique et des lectures de piété.
Les mariages y sont édifiants par la concorde et l’amitié. Le divorce est inconnu, aussi à peine
les enfans ont-ils atteint l’âge de puberté qu’ils se marient : cependant l’espèce d’hommes y est belle, forte et
robuste, pour faire face aux hivers rudes et les femmes y sont très fécondes.
Les jeunes gens des deux sexes ont une grande liberté de se voir, de s’assembler pour
danser et se réjouir et cependant d’après leur bonne éducation, il n’y a année commune qu’un
batard. La parole seule des habitants dans leur commerce suffit pour contrat, ils ne connaissent la papier
timbré que pour les minutes des notaires et registres de baptêmes, des mariages et mortuaires et rarement par la voie de
la justice contentieuse.
La charité s’exerce à Gérardmer dans toute son étendue et avec édification. La femme pauvre
en couche est aussi bien (traitée) soulagée par les secours de ses voisines d’une demi-lieue, linge, nourriture
veilles, et en tout ce qu’elle a besoin que la plus riche. Un malade est exactement visité et soigné
par les voisins dont les plus près sont souvent d’une demi-lieue plus exactement et avec plus d’attention que
le sont ordinairement ceux des villes par leurs voisins. Si c’est un pauvre homme, chacun s’impose
de porter pour lui former un bon lit, de pouvoir à tous ses besoins en vin, confitures ??? et à sa
convalescence, en bonne nourriture et habillement ; ou le recommande aux trônes, aux prières
et charité ; un chatelier recueille, ??? l’église les charités. Cette cueillette vu ordinairement de
10 à 12 lt de façon qu’un pauvre en convalescence l’est moins que lorsqu’il est ??? malade
Les habitants sont honnêtes envers les étrangers : il est par des jours de l’été qu’il n’y
en vienne visiter cette contrée singulière, et tous ces étrangers admirent la beauté de la truite, des
brochets et de la perche de ces lacs et des ruisseaux qui en coulent ainsy que de la cuisson, ils
admirent aussi l’arrangement des maisons, la propreté de la tenue du lait et de la façon et de la
conduite des fromages.

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Estat de ce que le Roy tire de la communauté de Gérardmer
Rentes seigneuriales dites pour lance non ferrée, pintes de truilles, barils de beurre et
un gros, deux blanc pour conduit dus autrefois au seigneur d’Hadtat, rachetés par transaction pour
18 lt, 15 s payables annuellement au domaine du Roy, cy 18 lt 15 s  » ?
pour cens des bois communaux 3 … 14… 6.
Cens pour vain paturage 21… 8… 6.
Rachat de bannalité des fours et moulins
34… 5…
Cens fixes 519
Rachat de main morte
146
Chaque habitant paie quatre francs barrois pour droit d’affouage dans les forêts du
Roy font en livres, cy
1200
L’amodiation des chaumes et autres paturages au domaine, cy 2000
A l’insigne chapitre de Remiremont pour taille romaine, cy
3… 16…
Total monnaie de Lorraine 3946 lt, 19s
faisant en cours de France
3055
Subvention 6000
Ponts et chaussées 5200
vingtième 4700
Le sel 15000 lt
Tabac ??? aux bestiaux 6000
Total au cours de France
39955
Cette plaine est bordée et entourée de montagnes fort escarpées et dont l’élévation semble toucher
aux ???, couvertes entièrement de rochers et de pierres froides à la réserve de celles que l’on a arrachée, sapée
et brulées à force de travail pour former des emplacements à habitations, des petits jardins et ensuite des preys de façon
que par l’industrie et un travail ??? aux côtes et montagnes arides, les coins les plus reculés et ???? des cols sont
ornés de maisons éparses, ça et là après lesquelles il y a des petits jardins et des preys comme des ???? au
milieu de ces pierres et roches et l’arrdité du sol de ces pays exige un travail continuel et des engrains tous les ans
Ces ??? montagnes couvertes absolument de roches et de pierres brutes dont la plus grande partie se ????
se faisant toute ???? de la terre à la réserve de quelques ???? des pierres que le hsard a empêchées de se
toucher et c’est à côté de ces pierres que les vaches trouvent un peu de pâture. L’on n’y sème aucune
espèce de grains, pas même du sarrazin ; il y a plus des trois quarts des habitants de Gérardmer qui ignore
comment se cultive et croît le grain, même la paille, si ce n’est quelques un des commerçants qui en ramènent
pour garnier leurs paillasson, tous les autres les remplissent de fougères et de feuilles d’arbre. Il y a tous
les ans huits grands mois d’hyver, c’est à dire depuis le commencement d’octobre jusqu’à la fin de may
pendant lequel tout ce ban aride est enseveli sous 12 à 15 pieds de neige au moins. On n’y cultive les
jardins qu’au mois de juin et bien des années, le jardinage est surpris ???? de la gelée et de la
neige avait sa maturité ; et les chaleurs de ces quatre mois ne sont pas assez fortes pour fondre les glaces
il y en a 3 ans, tous les ??? et personne ne se souvenait qu’elle ait été activement fondue, notamment dans la
vallée de

page 6

vallée de la Vologne à quelques toises au dessous du prey de Baude-pière à droite du chemin ou ???
allant à Bruyères.
La principale branche du commerce ces habitants de Gérardmer est le beurre et le fromage que produisent
les vaches qu’ils nourrissent à l’écurie pendant 8 mois d’hyver avec les foins du pays qu’ils ont formés en
des cochons et arrachant les pierres à mi-côte sur les hautes montagnes. Il y a des marcaires qui ont deux ou
trois de ces petits preys et ne pouvant traverser les rochers qui les entourent pour transporter au tems de la fenaison
le foin pour le rassembler dans leurs maisons, ils font bâtir des greniers et des étables dans chacun de ces petits
preys pour y loger le foin et leurs vaches qui le mangent pendant l’hyver.
Il arrive souvent que le foin de ces cabanes est consommé, qu’il faut absolument en tirer les vaches
pour les conduire dans une autre quelque fois distante d’une lieue dans un temps où il y a beaucoup de neige
ce transport ne pouvant souffrir de retard, tous les habitants de la contrée font faire des tranchées quelque fois
de 12 à 15 pieds de profondeur dans la neige pour le passage de ces vaches et l’été, elles vont brouter entre les pierres.
Une seconde branche du commerce à Gérardmer est le travail au futail de bois, grand nombre d’habitants
y sont occupés même les marcaires dont le produit des vaches ne suffit pas à leur subsistance et pour les
deniers royaux ; ils font avec du sapin des boîtes de toutes espèces, des cuveaux etc et avec le hêtre, des assiettes
des cuillières à bouche, des escuelles, des gamelles, etc. enfin tout ce qui peut se faire en bois et pour le
royaume.
La nécessité donna de l’intelligence aux habitants d’une terre ???? qui leur refusat les produits
de première nécessité. Ceux de Gérardmer dans la terre ont imaginé d’aller recueillir de la poix blanche qui distille
de la f?? qui app?? du sapin et du pin, ils conduisent cette poix blanche sur les ports de mer pour être employés
aux vaisseaux. Elle sert aussi pour graisse de chariot, ils distillent recueillent la térébantine qui distille de l’arbre
sapin et qui est ???? utilisé dans les pharmacies, aux ??? et pour des vernis, ces découvertes de poix blanche
et de térébantine a ???? avantage, elle est de ref??? dans le royaume ??? y conserver l’argent
que l’on portait chez l’étranger, et qui y reste pour la subsistance des sujets.
Cette nécessité les a aussi imaginer de laver des vieux linges, de les blanchir proprement et sous les neiges qui
couvrent leurs habitations. Tous ces qui ne font pas des futailles de bois et notamment les femmes et les enfans
s’occupent à faire des charpies presque pour fourniture de tous les hopitaux du royaume.
Ils vont parcourir les montagnes, ramasser les bois pourris qui semblaient n’être d’aucune utilité, les brûler et avec
les cendres ils font du salin et de la potasse qu’ils conduisent aux verreries et manufactures de savon.
Il résulte de ce détail que Gérardmer de 27083 toises de six pieds de roy de chaussées à faire et à entretenir sur son
ban et de 35 ponts dont quelques uns au delà de cinq toises de largeur, en voûte de pierres de taille et des maçonnerie.
outre ….. toises de chemins dans les hautes montagnes au rochers qui séparent la Lorraine de l’Alsace, depuis le
fond de Retournemer jusqu’au haut des chaumes et ….. toises de chemins à former en montant la
montagne et les rochers de la Poussière depuis Creusegoutte jusqu’au ban de la Bresse que par conséquent
il ne doit pas être compris dans le plan d’administration générale des ponts et chaussée du Royaume pour la répartition
de chaussées au dehors de chez eux, non plus que pour les imposition des Ponts et chaussées estant chargés de
constructions et d’entretien de ponts bien au delà de sa cotte et un chemin de Gérardmer étant necessaire
à la manutention d’un commerce très utile à tout le royaume et à procurer (à tout le royaume) aux habitants
leur subsistance, comme le font les terres, les vignes dans les campagnes d’agriculture et de vignobles.
Il y a peu d’années que Gérardmer était inaccessible aux voitures, les habitants n’emportaient leurs grains
et autres denrées qui leur font nécessaire au dehors et n’emportaient leur beurre, fromage, futaille de bois,
poix et autres denrées de leur pays et production qu’avec des hottes, des bêtes de sôme. Ce sont eux-même seul
sans secours.

page 7

qu’ils se sont tracés et formés des chemins à travers rochers jusqu’alors inaccessibles et des lieux affreux et
qui excite l’admiration des étrangers qui regardent ces travaux comme une répétition de ceux des Romains. Et
actuellement, il y a dans la communauté de Gérardmer, par les moyens de ces chemins soixante charette roulantes
de commerce pour l’exportation des produits de leur industrie et l’importation des grains et autres denrées de nécessité
à leur subsistance.
Les habitants de Gérardmer se promettaient que Mr de la Galaizière, intendant, après avoir lui-même
reconnu les lieux et ces vérités, auraait lui-même (s’il eut resté en Lorraine) eu la bonté de les honorer de protestation
particulière en les distrayant de la répartition des travaux et paiement des ponts et chaussées, ils ont compté
sur les même faveurs et justice du Mr l’intendant actuel après qu’il se sera fait rendre compte ou reconnu par lui-même
ces vérités.
Si en 1070, Gérard d’Alsace jugea nécessaire de bâtir une tour sur la Vologne, pour empêcher l’invation des
brigands qui se réfugiaient dans les déserts qui forment le ban de Gérardmer, il serait actuellement aussi nécessaire de
placer à Gérardmer de la maréchaussée pour protéger les habitants épars sur ce grand ban, contre les vagabonds et
voleurs. La principale branche d’industrie des habitants de Gérardmer est le travail en futaye de bois de
toutes les espèces. Un objet principal de leur subsistance, ils en tirent le pain que la pain terre aride de leur ban
leur refuse, il est de l’intérêt du Roy de leur procurer le bois nécessaire à leur travail et de n’en vendre à
aucun étranger pour le transporter.
Quand l’on vendrait arbre au quadruple à un étranger, le Roy et l’état y perderaient : ce serait diminuer
que les habitants payent au Roy en en diminuent le nombre et prive l’état des ressources qu’il trouve dans
ces futayes de bois, et comme Gérardmer n’existe que par ce travail en bois, en privant les ouvriers de ceux
nécessaire à leur métier, ce serait travailler à la destruction d’une communauté nombreuse qui s’est accru de
moitié depuis 30 années et qui s’accroit par une population relative à celle des Suisses ou des pays du Nord
en produisant de beaux hommes qui font de beaux et bons soldats.
M. M. les grands maîtres et officiers des maitrises des Eaux et forêts sont suppliés d’hommes de leurs ???
les habitants de Gérardmer par la conservation pour eux seuls des arbres de leurs forêts. Cette attention procurera
l’augmentation des habitants, des subsides qu’ils payent au Roy et ces habitants et leur postérité leur a
ouvert une reconnaissance éternelle.
Monsieur d’Eslon conseiller du Roy, lieutenant général du Baillage est supplié d’honnorer de sa
protection les habitants de Gérardmer ses justiciables qui la méritent par leur docilité, leur soumission à ses ordres dictés
par sa justice qui brille avec éclat dans toutes ses actions, en protégeant la demande qu’ils font à Mr l’Intendant pour obtenir
leur distraction de la répartition général des travaux et payements des ponts et chaussées. Celle qu’ils dont à MM
le grand maître et officiers de la Maîtrise des Eaux et Forêts pour conserver à eux seuls les actes de leurs forêts
pouur leur travail en futaye de bois. Ils ont aussi l’honneur de lui remontrer que par l’étendue de leur ban
le nombre des habitans, il est nécessaire d’avoir un Maire permanent ainsi qu’un greffier qui connaisse les
titres et papiers de la communauté des maires pendant six ans ; les affaires sont multipliées dans cette communauté
relativement à son étendue et à peine les maires et greffiers sont-ils au fait d’une affaire importante qu’ils la perdent de vue
en quittant leurs charges et ceux qui leur succédent tombent dans les mêmes cas, ce changement annuel porte un préjudice inexprimable
Dressé par M. Léopold Bexon, né à Gérardmer, seigneur haut justicier de Wolmünster et seigneur du fief de Sarrable
conseiller du Roy, lieutenant général civil et criminel d’honneur du grand bailliage royal de Sarreguemines
à Gérardmer, ce 20 octobre 1778.
De ce mémoire non moins recommandable par son auteur que par l’exactitude et la vérité qu’il
renferme, l’original en a été déposé en notre greffe, tant pour servir de monument de son zèle patriotique
que pour transmettre à la postérité non seulement une relation des siècles passés et de celui où nous
vivons, mais encore la juste reconnaissance due àun si bon et noble concitoyen.
Ad Aeteruam ipsuis memoriam (copie avec ses facts et ses lacunes).

  1. Notice historique et descriptive de Gérardmer, dans Annales de la société d’émulation des Vosges, 1877, p. 130. Voir en ligne sur Gallica.bnf.fr ↩︎
  2. Archives départementales de Meurthe-et-Mosell, inventaire de la série B, p. 25. Voir en ligne. ↩︎

Par Simon REMY

Archiviste, spécialiste de l'histoire du tourisme et du sport dans les Vosges.

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