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Sur la piste de Séraphin Morel

⏱ Temps de lecture : 5 minutes.

Séraphin Morel naît le 31 août 1883 à Granges-sur-Vologne dans une modeste famille de tisserands. 40 ans plus tard, sur les planches d’un vélodrome parisien, il pulvérise plusieurs records du monde de vitesse départ arrêté. Mis à part ces exploits en fin de carrière, il est resté un habitué des consolantes et des épreuves mineures, il n’est jamais devenu un grand champion. Pour autant, des obscures filatures vosgiennes jusqu’aux spots du Parc des Princes, il a roulé sur une piste hors du commun.

Morel sur la piste (Source : Gallica).

En 1903, au moment de son recrutement militaire, il est garçon de café à Paris. Victime d’un satphylome à un œil, il est réformé (et ne participe pas à la Première Guerre mondiale). En parcourant les résultats des courses cyclistes à partir de 1903, on tombe parfois sur un Morel, s’alignant principalement au départ des courses de vitesse, mais impossible d’affirmer qu’il s’agisse bien de Séraphin.

Ce dont on est sûr, c’est qu’il n’est pas entré dans les livres d’histoire du cyclisme. La carrière de Séraphin Morel n’est, en effet, pas extraordinaire ; il n’a jamais fait partie des « cracks ». Il est bien difficile de trouver l’ombre d’un bouquet. Ce fils de tisserand est toutefois resté professionnel ; bon an mal an, prime après prime, il réussit à vivre de son petit talent.

Spécialiste de vitesse et de tandem

Séraphin Morel est un pistard, adepte des courses de vitesse et des épreuves en tandem. Il est régulièrement associé à Paul Didier ; pendant quelques années ils détiennent ensemble le record du tour de piste au vélodrome d’hiver en 14 sec 1/5. Les coureurs rivalisent dans les vélodromes parisiens toutes les semaines sur une multitude de formats de courses. Les cadors concourraient à Vincennes, au Parc des Princes ou à Neuilly au « Buffalo », et au « vél d’hiv ».

 

Morel fait parler de lui… en chutant

En 1912, à l’occasion d’une réunion au Buffalo, Morel qui est aligné dans le Petit Prix se trouve en mesure de gagner la course. À quelques mètres de la ligne, Paul Didier, son partenaire de tandem, le percute et le fait chuter. Il se brise la clavicule et devient le sujet malheureux d’une belle photographie publiée dans La Vie au grand air, un mensuel sportif populaire.

En 1914, Morel se glisse dans le peloton des championnats de France de 100 kilomètres. Une expérience peu concluante pour le pistard qui ne résiste pas très longtemps dans le peloton : victime de la première côte du parcours. Après guerre il fait une nouvelle incursion dans le monde des routiers, en participant au mythique circuit des champs de bataille.

Tour de France 1914

À la veille de la Grande Guerre, Séraphin Morel s’engage sur la mythique Tour de France. Le coureur vosgien inscrit dans la catégorie des « Isolés » ne va pas briller mais. Les 6 premières étapes descendant le long de la côté atlantique se passent sans encombre. Au pied des Pyrénées Morel se classe 8e coureur isolé. Le programme copieux de cette journée comprend Aubisque, Tourmalet, Aspin et Peyresourde sur un peu plus de 325 km. Autant dire que c’était un peu trop corsé pour notre pistard vosgien qui, comme 10 autres forçats, finit par abandonner.

Le circuit des champs de bataille

Deruyter, vainqueur du Circuit des Champs de bataille en 1919. (Source : Gallica).

Organisé par le Petit Journal au printemps 1919, cette course ne connaît qu’une seule édition. Le parcours emprunte, au départ de Strasbourg, les principaux champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Près de 2000 kilomètres de routes défoncées, sous le froid, la neige et le vent, attendent les 87 routiers. Parmi eux, Séraphin Morel pense pouvoir bien figurer. Il n’a pas participé à la guerre, contrairement à la plupart des coureurs engagés, et a continué à s’entraîner. C’est aussi une occasion unique de courir dans sa région natale ; la 7e étape de Bar-le-Duc à Belfort, par Saint-Dié, Gérardmer et le Ballon d’Alsace, passe tout près de chez lui. Seulement 19 coureurs franchissent la ligne d’arrivée de la dernière étape à Strasbourg. Séraphin Morel, qui accuse plus de 26 heures de retard sur le belge Deruyter, se classe 15e. Cette course dantesque, devenue mythique, figure parmi les épreuves les plus dures jamais courues.

Triple recordman du monde !

L’Auto, 21 juillet 1922.

Après guerre, il s’impose comme véritable spécialiste des courses départ arrêté et du tandem. Il intègre l’équipe du Voltaire-Sportif et s’entraîne sur le vélodrome municipal à Vincennes. Le 20 octobre 1918, Séraphin Morel, sur son vélo, affronte… Georges Carpentier, le célèbre boxeur, à pied dans un duel sur 100 mètres départ arrêté. Le match se déroule au vélodrome d’hiver en souvenir des champions disparus pendant la guerre. Les réunions au vélodrome étaient de véritables divertissements avec, parfois, des matchs improbables, conçus pour assurer le spectacle.

Le 20 juillet 1922, en début de soirée, après une réunion au Parc des Princes, le pistard vosgien décide de s’attaquer au vieux record du 100 mètres départ arrêté. Détenu par Léon Bathiat depuis 1898 en 9 sec 2/5, cette marque tient depuis plus de 23 ans. Après quelques tentatives infructueuses, Morel parvient à couvrir la distance en 9 sec 1/5, juste assez pour décrocher le record du monde !

L’Auto, 5 août 1922.

2 semaines plus tard, toujours au Parc des Princes, Morel établit deux nouveaux records de France (et du monde puisque ces records n’avaient pas encore été inscrits sur les tablettes de l’UCI) sur 200 mètres et sur le 1/4 de mile (402 mètres).

Selon Le Miroir des Sports, le record n’a pas fait beaucoup de bruit en France, mais il parait que Morel a été admiré outre-atlantique. En France, les records n’attirent plus les meilleurs spécialistes parce que les performances ne sont plus primées par les constructeurs de cycles comme c’était le cas avant-guerre. En 1922 Morel est un vieux coureur de 41 ans, il est d’un autre temps.

Il prend sa retraite sportive en septembre 1923 au sommet de son art. Il conserve ses records jusqu’en 1927 et 1928 pour le 100 mètres. On retrouve enfin la piste de Morel en région parisienne, à Soisy-sous-Montmorency. Il se marie le 31 décembre 1927 avec Jeannette Heyblom* et s’implique dans la vie politique locale.

 

*: Merci à Sarah D., arrière petite fille de Sérpahin, de m’avoir contacté pour me permettre de corriger le nom de son arrière-grand-mère.

4 réponses sur « Sur la piste de Séraphin Morel »

Je cherche la date et le lieu de décès de Séraphin Morel.
J’ai participé au Tour de France et je fais des recherches sur tous les anciens participants.
Merci de votre réponse.

Pierre Rivory

Séraphin Morel est décédé le 12 sept 1944 à Soisy-sous-Montmorency (Val d’Oise).
Je suis l’une de ses arrières-petites-filles.

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